Interruption volontaire de parole

May 11, 2022
Icone d'avertissement
TW :
Un jour, une collègue à moi a interpellé notre manager, qui passait dans l'open space en coup de vent. Elle devait lui parler de problèmes rencontrés sur un dossier qu'on devait envoyer au client assez urgemment. Ça s'est passé à peu près comme ça :
Ben, quel est le problème ici ? C'est un compliment, non ?

Yes, c'est un compliment, et occasionnellement ça peut évidemment faire plaisir. Alors analysons pourquoi c'est pas terrible :

1)    Normalement, on n'interrompt pas les gens ; ça n'est pas très poli. D'ailleurs, on le fait encore moins quand on n'est pas le·la seul·e interlocuteur·ice (par exemple dans le cadre d'une présentation) parce que ça nuit à la clarté de l'exposé, à la concentration du public et donc à la crédibilité de l'orateur·ice. Dans ce cas-là ça frise le manque de respect.
2)   En l'occurrence la dame parle sur un ton sérieux d'un problème urgent et complexe : est-ce que ça vaut vraiment le coup de l'interrompre et de lui faire perdre le fil pour lui parler de quelque chose d'aussi superficiel que sa tenue du jour ?
3)   S'ils se répètent régulièrement, et notamment en public ou dans un contexte technique/professionnel, ces commentaires contribuent à ramener continuellement les femmes à leur apparence et à mettre leur compétence au second plan.

En gros, quand on coupe la parole à quelqu'un·e qui cherche à mobiliser l'attention sur un problème sérieux pour lui parler de son apparence, le message subliminal qui passe est : "Je ne t'écoute pas et ce que tu dis ne m'intéresse pas, mais par contre commentons ton apparence parce que je trouve que le plus important c'est que tu sois joli·e".  Qu'on soit bien intentionné n'est pas le problème, l'enfer est pavé de bonnes intentions.

En réponse au "on ne peut plus rien dire", N.B. : ça ne veut pas dire qu'il faut bannir les compliments, il faut juste penser au contexte et arriver à se rendre compte que parfois c'est totalement hors-sujet, voire malvenu.

Le manterrupting, phénomène répandu

Un peu d'histoire : le terme manterrupting s'est répandu en 2015 environ pour désigner un comportement masculin systématique qui consiste à couper la parole plus facilement aux personnes de genre non masculin qu'aux personnes de genre masculin. Jessica Bennett, qui est à l'origine de sa popularisation, définit le terme de la manière suivante : "interruption superflue d'une femme par un homme"*. Des exemples de ce comportement sont les débats présidentiels américains (2016, Trump vs. Clinton), où Donald Trump a interrompu Hillary Clinton une bonne quarantaine de fois tandis qu'elle-même l'aurait interrompu moins d'une dizaine de fois.

De nombreuses études ont permis de chiffrer ce phénomène, qui témoigne d'une tendance masculine à s'approprier la parole. Notamment, selon une étude de la Brigham Young University**, les hommes utilisent 75% du temps de parole dans les réunions de travail et interrompent 23% plus souvent les femmes que les hommes.

Alors, et si on faisait l'effort de moins interrompre les personnes de genre non masculin ?

* "Hillary Clinton Will Not Be Manterrupted", Jessica Bennett dans The New York Times (27 septembre 2016)

** "Gender Inequality In Deliberative Participation", C.F. Karpowitz, T. Mendelberg, L. Shaker dans American Political Science Review (août 2012)

Merci pour ce témoignage.

Opal

Diversifiez vos équipes

Prenez part à la transformation sociale avec ALT+250 et les autres solutions développées par EQUILYS 🦾
Merci ! Nous avons bien enregistré votre demande :)
Oups ! Quelque chose dans ce formulaire ne tourne pas rond...
Icone Instragram Icons8Icone LinkedIn Icons8Icone Youtube Icons8